Cinq enseignants se rappellent probablement de mon arrivée dans leur établissement, une grande pochette de dessin à la main et tout un attirail de photographe. Je n’ai pourtant ni peint les cours d’école, ni fait des photos de classe. Non, mon attention s’est portée sur les mains et les paroles de quelques-uns de leurs élèves sélectionnés aléatoirement et deux par deux puis filmés en action pendant qu’ils jouaient au « Nombre Cible ».
Si les enseignants ont un quelconque grief contre moi, c’est à cause de la première activité que j’ai fait pratiquer à leurs élèves (CP/CE1). Je les ai tout d’abord entraînés à parler, et qui plus est, à être loquace tout en oubliant le chuchotement. C’est ce que l’on appelle dans mon jargon, un entraînement à la verbalisation à voix haute. Accessoirement, lors de cet entraînement, ils ont poursuivi sur papier le coloriage d’un collier de perles (exercice individuel connu avec manipulation d’objets : les crayons de couleur) et joué au morpion (exercice stratégique pratiqué à deux).
Non satisfaite d’avoir ainsi dissipé ces gones, je les ai ensuite cuisinés (pour rappel, le projet OCCINAE est attaché au grand Lyon). As-tu déjà joué au Nombre Cible ? À quoi servent les personnages du plateau ? Etc. Et j’ai recommencé en fin de séance avec d’autres questions sur les buts qu’ils poursuivaient en jouant, leur perception des déplacements du robot et la signification des points d’arrêt de ce dernier.
Entre les deux questionnaires, ils se sont quand même lancés, accompagner d’Albert le robot, dans la folle aventure du Nombre Cible. Ils ont ainsi tenté de le mener à la petite maison adossée à la colline. Pour certains, la route était facile mais heureusement pour moi, pour d’autres, elle était truffée d’embûches. Oui, je suis comme cela. Ce qui m’intéresse est avant tout l’observation des élèves en difficulté.
Et là, victoire ! Hip hip hip hourra ! Les élèves avec qui j’ai travaillé m’ont gâtée. Au départ, je ne comprenais pas trop pourquoi je devais être satisfaite. Mais après avoir visionné les films, chronométré les parties, noté leurs erreurs, leurs hésitations et leurs raisonnements, et enfin mis tout cela face aux réponses données dans les questionnaires, tout s’est éclairé. Et surtout j’en apportais la preuve ! Je peux donc vous dire aujourd’hui ce que j’ai vu….
Une majorité d’élèves sont de la catégorie des « vérificateurs ». Quand ils trouvent une combinaison, ils veulent absolument la vérifier par eux-mêmes. Et s’ils ne l’ont pas, pas question de solliciter Albert, ils y passeront du temps mais chercheront encore et encore. On ne sait jamais, des fois qu’Albert se fâche ? Quelques autres sont « testeurs ». Quand ils pensent avoir trouvé la réponse, ils demandent à Albert si elle juste ou fausse. S’ils n’arrivent pas à la trouver, ils demandent aussi à Albert afin qu’il leur montre s’ils ont dépassé ou pas la cible. Ces derniers élèves (les « testeurs ») sont aussi ceux qui déclarent vouloir progresser en calculs. Nous pouvons donc supposer que les buts qu’ils se fixent conduisent à exploiter toutes les possibilités du jeu et donc à solliciter le robot.
Autre constat intéressant, quand un élève dépasse le nombre cible, il ne modifie généralement sa combinaison que d’une seule carte, la plus petite. Le nombre cible est atteint et un « petit surplus » seulement est à enlever. Au contraire, quand le nombre cible n’est pas atteint, les élèves modifient 2 cartes. Ne pas atteindre la cible leur pose davantage de difficultés. Ils repensent alors plus profondément leur combinaison.